QI BAISHI

QI BAISHI
QI BAISHI

Le XXe siècle restera peut-être dans l’histoire comme l’époque la plus tourmentée de la Chine, et cela sur tous les plans, notamment sur le plan artistique.

Alors que la plupart des artistes chinois luttaient pour le maintien de la peinture traditionnelle, Qi Baishi s’est engagé dans la voie tracée par Xu Wei, Bada shanren, Shitao et son prédécesseur immédiat Wu Changshi. Peintre autodidacte, issu d’un milieu ouvrier et paysan, il a su apporter un sang nouveau à la peinture chinoise traditionnelle, qui avait perdu depuis un certain temps sa vitalité et sa puissance créatrice.

Un artiste autodidacte

La vie quasi centenaire de Qi Baishi, le charpentier de village devenu un artiste renommé, est en quelque sorte légendaire. Ses mémoires, qu’il transmit oralement à son disciple Zhang Ciqi, furent publiées en 1961 dans le Recueil des écrits et des cachets de Qi Baishi . À travers cet ouvrage, on voit les circonstances au cours desquelles Qi Baishi poursuivit sa recherche artistique et le long chemin qu’il dut parcourir avant d’acquérir une célébrité internationale.

Né d’une famille de paysans pauvres du sud de Xiangtan dans la province de Hunan, Qi Baishi, faute de moyens financiers, dut attendre l’âge de huit ans pour fréquenter l’école communale. À peine un an plus tard, il fut obligé d’interrompre ses études pour cause de maladie: ce fut la seule année d’études scolaires qu’il suivît jamais. Sa santé délicate l’empêcha également de travailler dans les champs. Pour gagner sa vie, il apprit le métier de charpentier, qui lui valut plus tard le surnom de «Charpentier Qi» (Qi Mujiang). Son penchant artistique se manifesta dès l’enfance et il se spécialisa dans la sculpture sur bois.

En 1890, Qi Baishi fit la connaissance de Hu Xinyuan, peintre et lettré de la région. Cette date marque un tournant de son existence. Admirateur de ses talents, Hu Hinyuan lui apprit à lire et à écrire. Il lui dit: «Su Laoquan (le père de Su Shi, grand lettré du XIe siècle) ne s’est mis à étudier assidûment les classiques qu’à l’âge de vingt-sept ans. Pourquoi pas toi?» Encouragé par cet exemple, Qi Baishi s’initia aux classiques, à la calligraphie et à la peinture. Ainsi commença la quête longue et tenace de Qi Baishi dans le domaine de l’art pictural. Peu de temps après, Qi devint peintre et portraitiste de la province, après avoir exercé une dizaine d’années le métier de sculpteur sur bois. Son nom Huang et ses surnoms Binsheng et Baishi laoren (le vieillard du rocher blanc) lui furent donnés à cette époque.

Le monde merveilleux de Qi Baishi

Qi Baishi avait un penchant spontané pour les fleurs, les oiseaux, les poissons et les insectes, qu’il peignait avec beaucoup de gaieté et de simplicité. Sa hardiesse et sa vitalité le rapprochent de Bada shanren, bien que ce dernier soit surtout amer et satirique.

Les insectes et les crevettes sont les sujets favoris de Qi. Il allait jusqu’à élever chez lui des insectes de toutes espèces et faisait de son jardin un véritable monde merveilleux: mantes, abeilles, libellules, sauterelles, locustes, grillons, fourmis, cigales. Il vivait avec eux et les observa pendant de longues années. Il dut pénétrer dans la vie intime de ces créatures; car quelle que soit la technique employée, la vision directe est toujours à la base de sa peinture, dans laquelle se manifeste son amour profond pour la vie des êtres. Parfois, dans un tableau formé d’un grand espace blanc, apparaissent timidement dans un coin deux ou trois champignons à moitié ouverts, ou une petite branche de vigne à peine perceptible derrière ses feuilles éparpillées, ou encore quelques grenouilles cherchant hâtivement à s’abriter sous les herbes courbées à l’approche de l’orage. Chaque tableau est un univers complet, où l’art de Qi Baishi éclate par sa simplicité et son intimité qui contrastent avec son grand pouvoir d’évocation.

Lavis et couleur, dessin poussé et tache d’encre

À l’âge de cinquante-cinq ans, Qi rencontra la deuxième personne qui allait influencer sa vie artistique: Chen Hengge. Peintre et critique, Chen emporta les peintures de Qi au Japon pour les faire exposer. Ce fut la réussite immédiate. Toutes les peintures furent vendues et la notoriété de Qi dépassa désormais la frontière chinoise.

Sur le conseil de Chen, Qi Baishi créa le style dit «fleurs rouges au feuillage d’encre» (honghua moye ), qui consistait à employer des couleurs vives en contraste avec le lavis noir. L’effet fut tout à fait comparable à celui du fauvisme occidental, vigoureux et décoratif. La peinture chinoise lui doit sans doute cette prise de conscience du rôle des couleurs, élément toujours considéré comme secondaire dans la représentation picturale en Chine.

L’antogonisme de Qi Baishi se manifeste aussi par son mode d’expression. Dessin poussé et taches de couleurs se marient avec harmonie dans un même tableau. Une des séries des albums consacrés aux insectes appartient à ce style: le dessin minutieux des insectes est volontairement accompagné de fleurs du style «sans os» (mogu hua ), «projetées» à l’aide de couleurs vives ou encore d’encre éclaboussée. Dans La Guêpe, le grillon et le volubilis , il y a même un double contraste: d’un côté, le jaune de chrome du volubilis et ses feuilles noires; de l’autre, les taches de couleurs et d’encre qui s’opposent au dessin méticuleux du grillon et de la guêpe. Sujets banals mais exprimés d’une façon audacieuse, ce sont là les caractéristiques des œuvres de Qi Baishi.

Le graveur de sceaux

Qi Baishi fut aussi calligraphe, poète et graveur de sceaux. Un de ses propos est significatif: «Autrefois, on savait se servir à la fois du pinceau et de l’encre; aujourd’hui, on ne manipule que le couteau et la pierre.»

Depuis le XIXe siècle, la gravure des sceaux est devenue un art indépendant et populaire. La qualité des sceaux, leur forme, la composition et le style des caractères, la façon de les graver et enfin celle de les apposer sur le tableau sont des éléments indissolublement liés à la peinture elle-même. Puisque le cachet n’est plus une simple signature mais la finition même de l’œuvre, les peintres doivent posséder une gamme de cachets comme ils possèdent plusieurs pinceaux. Certains peintres font faire leurs cachets, d’autres préfèrent les graver eux-mêmes. Parmi ces derniers, nombreux sont ceux qui se contentent de manipuler les couteaux en copiant des calligraphies anciennes. Ils esquissent d’abord le dessin et le gravent ensuite par petits fragments. Un seul trait est souvent le résultat de plusieurs manipulations. Qi, par contre, utilise une tout autre technique. Son expérience de sculpteur sur bois lui permet d’avoir la maîtrise absolue du couteau. Il conçoit d’abord sa composition, puis, quand l’idée a mûri, il manie son pinceau comme pour une calligraphie et achève son œuvre d’un seul trait. Son style est naturel. La composition du dessin aux écritures sigillaires est d’une haute qualité plastique.

La postérité qui veut imiter le style de Qi Baishi ne peut guère prétendre à la vitalité et à la puissance qui se dégagent de ses œuvres. Cet artiste, à la volonté tenace dans la poursuite et la réalisation de son art, peignait encore tous les jours à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. Il s’éteignit en laissant une grande quantité de peintures, de calligraphies et un renom international.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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